Dans la circulaire n°6259-SG du 19 avril 2021, le Premier Ministre a défini les modalités d’élaboration, de suivi et d’évaluation des feuilles de route interministérielles adressées aux préfets.
Ces feuilles de routes interministérielles :
- permettront d’identifier, pour chaque région, département et territoire d’outre-mer, les axes prioritaires de l’action de l’État. Elles seront adaptées aux spécificités du territoire concerné.
- seront co-construites au niveau départemental ou régional par le préfet qui associera l’ensemble des services et opérateurs de l’État. Ce mandat interministériel donné au préfet permet, ainsi, de renforcer son rôle de pilotage et d’animation.
- resteront valables pour une durée de trois ans au titre de la continuité de l’action de l’État ; cependant en cas de changement de préfet, ce dernier pourra solliciter une adaptation de la feuille de route.
Les feuilles de route dont les projets «pourront porter sur des enjeux de transformation des services de L’État » dans le territoire concerné comprendront :
- des éléments relatifs à la mise en œuvre des actions et réformes prioritaires de l’État déclinées territorialement qui nécessitent un investissement particulier et un engagement personnel des préfets. Pour accompagner les cibles à atteindre, les préfets pourront mobiliser et mettre en place des initiatives et des moyens dédiés et proportionnés.
- des projets structurants à fort impact local ou dont le rayonnement serait plus large sur lesquels seraient concentrés le partenariat local et si besoin le soutien des administrations centrales notamment dans le cadre du plan de relance ou des contrats de relance et de transition écologique.
La circulaire précise également les modalités d’élaboration, de suivi et d’évaluation ainsi que le calendrier de mise en œuvre de ces feuilles de route. Avant signature d’ici fin juin des feuilles de route des préfets par le Premier ministre, les propositions seront :
- co-construites par le préfet après une phase itérative avec les services et les secrétariats généraux des ministères, l’ANCT apportera son expertise ;
- transmises au préfet de région qui s’assurera de leur cohérence.
Un travail interministériel sera, ensuite, effectué sous la coordination conjointe du secrétaire général du ministère de l’intérieur (direction de la modernisation et de l’administration territoriale, DMAT et la direction interministérielle de la transformation publique, DITP).
L’importance et l’intensité du ministère de l’intérieur et du Premier ministre dans ce dispositif sont affirmées.
Le suivi et l’évaluation des feuilles de route seront strictement encadrés via l’outil territorialisé de suivi des réformes prioritaires déployé par la DITP selon un calendrier prédéfini. Les évaluations de leur mise en œuvre feront l’objet d’un examen annuel sous la présidence du cabinet du Premier ministre et du secrétaire général du Gouvernement.
L’application de cette énième circulaire relative aux réformes prioritaires du Gouvernement interroge :
- Symbolise-t-elle la suprématie du ministère de l’intérieur sur les autres ministères au travers des missions et de la coordination qu’assureront conjointement la DMAT et la DITP dans cette démarche ?
- Est-elle destinée à préciser et à renforcer la déconcentration en martelant le pouvoir de pilotage et d’animation des préfets à l’échelon départemental ou régional ?
- Associer l’ANCT tout au long de cette démarche, n’est-ce pas renforcer sa place au détriment des services de l’État dont l’expertise existe parallèlement ?
- Comment et dans quel cadre négocié les politiques publiques prioritaires dont le pilotage comporte une dimension territoriale ont-elles été identifiées ?
- En effet, certaines sont menées déjà depuis fort longtemps avec plus ou moins de succès. D’autres relèvent des compétences des collectivités territoriales où le rôle de l’État, en définitive, se limite au contrôle de légalité (fin de l’étalement urbain, lutte contre l’artificialisation des sols, développement du bio dans la restauration collective…), ou sont assimilables à des actions peu ambitieuses limitées dans leur objet (plan vélo, verdissement du parc automobile).
- D’autres thématiques sont portées par les opérateurs de l’État : renouvellement urbain des quartiers (ANRU), rénovation énergétique des logements (ANAH et Agence de la transition écologique).
- Enfin, certains libellés relèvent de l’incantation générale nécessitant des actions au niveau national voire international avant d’être déclinées localement (améliorer le bien-être animal, réduire l’utilisation des produits phytosanitaires et accélérer la transition écologique), tandis que d’autres se résument à une «simple opération comptable » (sécuriser les paiements des aides PAC).
Cette circulaire a-t-elle pour finalités de :
- vendre du rêve et donner l’illusion de la nouveauté et de l’action pour enfoncer des portes ouvertes ?
- donner le sentiment que l’État est omniprésent et mobilisé au bénéfice de nos concitoyens alors que certaines thématiques lui échappent et ne relèvent plus de sa compétence depuis longtemps ?
- donner des directives pour intégrer progressivement, dans le fonctionnement des services de l’État, les opérateurs sous tutelle de ministères plus policés qui peu à peu se substitueront à ces services au nom de l’intérêt général, de l’efficacité voire de l’efficience ?
- de prôner la décentralisation et la différenciation et en même temps de pousser la déconcentration à son paroxysme ?