L’UNSA a commencé à prendre connaissance du pré-projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », dit loi EL KHOMRI.
Elle constate l’ampleur du champ couvert par ce texte qui balaie des sujets aussi variés et complexes que la refondation du Code du Travail, l’aménagement du temps de travail et l’ensemble de ses implications (heures supplémentaires, compensations, congés, etc..), le détachement des travailleurs étrangers, la médecine du travail, le barème prud’homal de licenciement, le compte personnel d’activité, l’apprentissage, la négociation collective, le droit du licenciement économique ou encore les allocations assurance-chômage…
Avant de prononcer des jugements définitifs, l’UNSA se laisse le temps de l’analyse minutieuse. Elle permettra notamment de vérifier ce qui relève d’une réécriture à droit constant, ce qui semble le cas de la grande majorité des articles, et ce qui relève de vraies modifications de fond.
Mais en préalable, l’UNSA tient à poser clairement les jalons de cet exercice. Elle rappelle que, sans ignorer les conditions économiques ni les réalités concrètes des entreprises, l’objectif premier du Code du Travail doit être d’assurer la protection des salariés. De même, face à la propension idéologique de certains à vouloir faire du Code du travail ce qu’il n’est pas, elle rappelle qu’en matière de création d’emplois, le carnet de commande prime sur le nombre d’articles législatifs.
Pour qui ce texte est-il fait ? Pour arriver à quels buts ? Comment envisage-t-on son évolution ? C’est à ces trois questions que le gouvernement va devoir impérativement répondre.
Dans ce cadre, l’UNSA déplore le climat de crispation induit par l’annonce gouvernementale d’un possible recours au 49-3. A sa place syndicale et au nom des salariés qu’elle défend, l’UNSA revendique de pouvoir travailler en concertation avec des parlementaires libres de l’entendre et de faire leur travail législatif.
Concernant l’équilibre général du pré-projet, l’UNSA peut émettre plusieurs remarques :
- Elle se réjouit de la mise en forme législative du compte personnel d’activité, mesure essentielle qui va dans le sens de la revendication de sécurisation des parcours professionnels qu’elle porte depuis des années. Elle juge aussi positivement les mesures concernant un meilleur contrôle du détachement des travailleurs étrangers, tout comme les moyens supplémentaires accordés au dialogue social.
- Elle est en désaccord avec l’introduction, au niveau de l’entreprise, d’une nouvelle règle complexifiant la validation des accords, alors que la loi du 20 août 2008 avait réussi à les clarifier tous les niveaux. Le referendum, avec le risque d’opposition à la démocratie représentative qu’il contient, n’irait ni dans le sens des intérêts des salariés, ni dans celui des entreprises.
- La modification apportée au droit du licenciement économique consiste essentiellement en une intégration de la jurisprudence actuelle dans le corps de la loi. L’éventail de motifs utilisables par les entreprises, extrêmement larges, voire flous, est donc conforté. le projet aggrave même la situation en dédouanant les entreprises multinationales d’une partie de leurs responsabilités. Pour l’UNSA, le pré-projet de loi passe à côté de ce qui pourrait être une amélioration pour les salariés, à savoir un resserrement aux seuls motifs économiques réels.
- L’UNSA est en opposition complète avec la barémisation des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse imposée aux Prud’hommes. Il s’agit en premier lieu d’un contresens juridique : la réparation d’un préjudice personnel ne saurait être établie hors d’une appréciation par le tribunal au cas par cas. Mais l’UNSA constate que le pré-projet de loi EL KHOMRI réintroduit en pire pour les salariés le barème de la loi MACRON. Quand cette dernière prévoyait des minima d’indemnités et un maximum de 27 mois, il n’y aurait plus ici de minimum et le maximum serait réduit à 15 mois !
- Sous réserve de l’analyse complète de ces dispositions très techniques, l’UNSA pointe une inversion définitive de la hiérarchie des normes en matière d’aménagement du temps de travail, avec l’abandon de ce qui restait du principe de faveur pour le niveau de la branche. Cette minimisation du rôle de la branche pose pour l’UNSA une question de principe si elle devait se généraliser. Son rôle mutualisateur et régulateur est en effet décisif pour l’emploi dans tous les secteurs où existent de petites entreprises.
L’UNSA observe par ailleurs que les formulations utilisées pour faciliter le recours au « forfait jour » pourraient aboutir à un désengagement inadmissible des entreprises au regard de leurs obligations de santé et de sécurité.
L’UNSA va continuer son travail d’analyse détaillée. En tout état de cause, il est, pour elle, impossible que ce texte reste en l’état : l’intérêt des salariés doit y retrouver une place centrale, et pas simplement les demandes du patronat. Mais pour y parvenir, encore faut-il que le gouvernement clarifie désormais ses intentions et sa méthode.
Source UNSA