A ce stade, l’UNSA Fonction Publique n’est pas favorable à une nouvelle loi « Fonction Publique ».
Pourquoi ?
L’intitulé de la loi annoncée par Stanislas Guerini « Pour l’efficacité de la Fonction Publique » sous-entend que notre fonction publique n’est pas efficace sans qu’aucun dispositif bilan ne soit dressé. Les agents publics qui exercent leurs missions au bénéfice de la population, parfois au péril de leur vie, apprécieront…L’UNSA rejette cette méthode insidieuse.
La loi de 2019 a déjà détricoté, entre autres, une partie du statut de la fonction publique. Ainsi, la possibilité d’embaucher en masse des agents contractuels et la réduction de la portée du dialogue social avec une diminution de la place et du rôle des instances de représentation des personnels ont transformé significativement la fonction publique. Aujourd’hui, le ministre engage une offensive très médiatique avec un projet dont les organisations syndicales découvrent seulement depuis quelques semaines les orientations.
C’est une potentielle nouvelle attaque contre la fonction publique « à la française », statutaire et de carrière.
Le statut de la fonction publique est protecteur des citoyens. Il garantit la neutralité de la fonction publique. Il définit toutes les règles (droits et devoirs) auxquelles doivent se soumettre les agents publics. En protégeant les fonctionnaires de l'arbitraire et des pressions extérieures, il évite l'instrumentalisation de l'administration à des fins partisanes, quel que soit le pouvoir politique. Il protège aussi de la corruption. Le principe de carrière garantit à chaque fonctionnaire, recruté selon ses talents et sa vertu*, souvent par concours, la possibilité d’une évolution professionnelle avec un parcours lui permettant d’exercer plusieurs missions et de progresser dans sa carrière, tout en maintenant une équité entre les agents.
Les propos médiatiques et provocateurs du ministre ont porté sur trois sujets.
Il a prétendu vouloir lever « le tabou du licenciement ».
Mais quel est l’enjeu majeur pour la fonction publique aujourd’hui ? Pour l’UNSA, c’est renforcer l’attractivité pour pouvoir mieux recruter, pas pour licencier ! Il manque aujourd’hui 25 000 postes de professionnels paramédicaux dans les hôpitaux et plus de 3 000 enseignants dans les écoles, collèges et lycées, par exemple.
Il faut renforcer l’attractivité de la fonction publique à l’heure de la baisse du chômage et de la mise en concurrence avec le secteur privé, notamment en termes de salaire, pour faciliter les recrutements. L’UNSA Fonction Publique demande, sans relâche, une hausse des rémunérations, en particulier lors du recrutement, mais aussi tout au long de la carrière, dont la durée s’allonge avec l’obligation d’exercer deux années supplémentaires (réforme des retraites).
De plus, le licenciement est-il impossible dans la fonction publique ? Non.
Une loi est-elle nécessaire ? Non. Le code de la fonction publique prévoit déjà cette possibilité pour « insuffisance professionnelle » et pour faute.
Il souhaite supprimer les catégories A, B et C.
À quoi font référence ces catégories ? D’abord, à définir le niveau de recrutement. La catégorie C correspond à des postes ouverts sans l’exigence du BAC. Pour être recruté en catégorie B, le candidat doit être titulaire d’un BAC, voire d’un diplôme BAC +2. La licence ou un équivalent est a minima demandé pour un poste de catégorie A. Ensuite, elles servent à définir le niveau de fonctions et de responsabilité (exécution, application et rédaction, conception, direction et encadrement).
Pour l’UNSA Fonction Publique, elles sont un des éléments constitutifs du statut, un élément de référence. Elles permettent aux agents de progresser dans leur carrière. Ainsi, par exemple, un agent recruté en catégorie C pourra se former, voir sa valeur professionnelle reconnue et ainsi changer de grade, changer de corps en fonction de ses choix et progresser dans sa carrière, pour devenir agent de catégorie B ou A. C’est l’une des forces du statut de la fonction publique d’ouvrir ces perspectives, de jouer son rôle d’ascenseur social.
D’ailleurs, dans le secteur privé, des catégories de référence existent également. Par exemple, on trouve souvent trois catégories : employés ou ouvriers, encadrement ou profession intermédiaire, cadres et cadres supérieurs.
Pour l’UNSA, la suppression des catégories et leur remplacement par des filières de métier, qui enfermeront un agent dans un seul métier, pourra conduire à terme à la disparition du statut de la fonction publique. Elle est donc un risque inacceptable ! D’autant que supprimer les catégories entraînerait de facto une disparition des commissions paritaires actuelles. Toujours inimaginable !
Seule l’ouverture d’une réflexion sur le niveau de recrutement est envisageable au regard de l’évolution des niveaux de diplômes actuels. Mais là encore, une loi n’est pas nécessaire.
Enfin, le ministre insiste sur la rémunération « au mérite » laissant croire que cette notion n’est pas prise en compte dans la fonction publique. Une nouvelle fois, c’est faux !
Les progressions de carrière se font en fonction du choix et de l’engagement de chaque agent. Leur rémunération en découle. De plus, en fonction de l’évaluation professionnelle, d’autres systèmes complémentaires existent, comme le RIFSEEP qui comprend une part de rémunération fixée annuellement, ou comme les dispositifs d’accélération de carrière.
Le ministre évoque souvent l’intéressement collectif, là aussi les textes prévoient déjà la possibilité de telles primes depuis plus de 10 ans… mais les employeurs ne les ont pas mises en œuvre.
Faut-il une loi pour renforcer cet aspect de la rémunération ? Pour l’UNSA la réponse est négative. Si une loi devait être indispensable, ce serait une loi budgétaire afin de réellement revaloriser la rémunération des agents publics.
La concertation voulue par le ministre, pour être utile, devrait permettre d’obtenir des nouveaux droits pour les agents et une amélioration de leur situation.
Par exemple, l’UNSA Fonction Publique revendique une négociation annuelle sur les rémunérations afin de pouvoir revaloriser annuellement au moins la valeur du point d’indice en tenant compte de l’inflation.
Elle insiste pour que 2024 ne soit pas une année blanche en matière salariale.
Elle souhaite une refonte des grilles de rémunération pour tenir compte de la situation créée par le gel de la valeur du point d’indice de 2017 à 2022, alors que l’inflation était en forte hausse, et de l’allongement des carrières.
L’UNSA Fonction Publique est attachée au dialogue social, à la négociation collective et poursuivra la concertation. Pour autant, elle ne sera pas le faire valoir de Stanislas Guerini. Elle redit qu’à ce stade, une loi fonction publique n’est pas utile !
Luc Farré
Secrétaire Général de l'UNSA Fonction Publique
* L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 précise que tous les citoyens sont « également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents »