Hérité de la réforme Raffarin de 2003, le processus d'expérimentation locale est une procédure contraignante, lourde et longue. Cela décourageait les collectivités et, au final, seules quatre expérimentations ont été lancées : le RSA, revenu de solidarité active généralisé en 2009 à toute la France, la tarification sociale de l'eau (toujours en cours dans 50 collectivités), la taxe d'apprentissage (dérogation d’affectation des fonds non affectés par les entreprises), l'apprentissage jusqu'à trente ans.
Le projet de loi de simplification des expérimentations locales tel qu’il avait déjà été approuvé par les sénateurs le 3 novembre dernier a été adopté, sans modification, par les députés le 16 mars 2021. Toutefois, en raison de son caractère organique, Matignon vient de saisir le Conseil constitutionnel avant sa promulgation.
Ce projet de loi « ouvre la voie à une différenciation durable » et répond « concrètement » aux demandes de « proximité », « d’efficacité » et de « différenciation » des élus et des citoyens selon la ministre de la Cohésion des territoires.
Ce texte repose sur trois leviers :
- Simplifier la procédure d’entrée dans l’expérimentation ;
- Assurer une évaluation plus pertinente des expérimentations ;
- Permettre la sortie de l’alternative binaire entre la généralisation ou l’abandon de l’expérimentation. À l’avenir, l’extension des mesures prises à titre expérimental pourra être rendue possible dans certaines collectivités territoriales seulement.
Pour accompagner les collectivités territoriales dans leurs droits à l’expérimentation et s’assurer de leur effectivité, des « guichets permanents » seront installés auprès des préfets. Créés par voie réglementaire, ils seront chargés de recueillir les propositions des collectivités et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) effectuera "un travail juridique d'accompagnement des volontés des collectivités ou des associations d'élus locaux".
Ce projet de loi organique « représente une première étape vers la loi 4D, qui proposera », au titre de la différenciation et de la décomplexification, « le transfert de compétences aux seules collectivités volontaires, un pouvoir réglementaire local renforcé ou des mesures de déconcentration spécifiques ».
Mais, le futur projet de loi 4D sera aussi le « premier support » pour « héberger » de nouvelles expérimentations désormais permises par la loi organique des expérimentations locales à venir. Figure par exemple déjà dans le projet de loi 4D l'expérimentation d'une délégation de compétences étendue aux intercommunalités en matière de logement social.
Le premier étage du projet de loi 4D est fin prêt et le travail se poursuit. Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) vient d’émettre un avis défavorable sur le projet de loi 4D également examiné par le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE) le 22 mars, puis par celui de l’hospitalière (CSFPH) le 25 mars. Ensuite, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) s’y intéressera. Le gouvernement s’est, en effet, engagé à ce qu’il soit adopté avant la fin de la mandature.
L’impact de la promulgation et de la mise en œuvre de ces deux projets de loi sur les services publics sera considérable et nécessitera de nouvelles réorganisations, des mesures d’accompagnement très fortes et ciblées ainsi que, de la part des agents, adaptation et résilience. Attention de ne laisser personne sur le bord du chemin ! Car, dans le contexte de crise sanitaire que nous vivons et subissons en tant que citoyens et agents de la Fonction publique, cette accélération soudaine pourrait être le coup de grâce donné à l’Administration et à ses fonctionnaires !